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Selon Abou Oumâma (radiAllâhu ‘anhu), un homme dit : « Ô Messager d’Allâh, autorise-moi à accomplir la pérégrination. » Il répondit : « La pérégrination (Siyâha) de ma Communauté est le Jihâd dans le sentier d’Allâh. » [1]
Il lui fut donné (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) l’ensemble du Verbe (jawâmi’ al-kalim), de sorte que chacun de ses mots ont soixante-dix sens, au nombre des voiles entre le Vrai et la création. Chacune de ses paroles (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) recèle les Science des premiers et des derniers… et comment n’en serait-il pas ainsi, lui qui « ne prononce rien sous l’effet de la passion : il s’agit d’une révélation qui lui est faite ».
Le mot « Jihâd », dont le sens est malheureusement trop souvent limité à celui de la guerre, a mené de nombreux jeunes de la Communauté musulmane à se rattacher à la haine (al-boughd) en Allâh, ainsi qu’au fait de s’innocenter de ceux qui ne sont pas en accord avec leurs opinions (al-barâ’), considérant qu’il s’agit là de la base de la religion, et même du summum de la Foi. Mais partant du fait que le Vrai créa l’univers en Se basant pour cela sur l’Amour et le principe d’attraction des éléments entre eux, ce qui constitue l’une des manifestations concrètes de cet Amour… la capacité à goûter aux sens profonds (dhawq) ultime menant à la perception des fondements (nawâmis) selon lesquels est construit cet univers et à la compréhension des différents degrés du Nom divin, nous permet de réaliser que la haine est en réalité un degré d’entre les degrés de l’Amour, au même titre que le fait de s’innocenter d’une partie de ses coreligionnaires. L’Amour est la règle, tandis que la haine n’est que l’exception. C’est pour cette raison qu’avant même que la création ne fut, la Miséricorde fut décrétée supérieure à la Colère divine. Selon Abou Houreyra, le Prophète (sallAllâhu ‘alayhi wa sallam) dit : « Lorsque Allâh décréta (l’entrée en existence) de la création, Il inscrivit auprès de Lui : « Ma Miséricorde a le dessus » ou « l’emporte sur Ma Colère », et cette inscription est auprès de Lui, au-dessus du Trône. » [2]
Le Jihâd est en réalité de plusieurs types. Certains d’entre eux sont des obligations incombant seulement à une partie des musulmans (kifâya), tandis que d’autres sont des obligations que chaque musulman se doit d’accomplir personnellement, à l’instar du Jihâd contre la nafs qui constitue le plus haut degré du Jihâd, appelé « al-Jihâd al-Akbar ».
Quant au sens du Hadîth considéré, selon le degré de l’excellence (Ihsân), il s’agit du fait que la véritable Siyâha n’est autre que le Jihâd du cheminant sur le sentier d’Allâh, c’est-à-dire le sentier menant à la réalisation des différents degrés du Nom Suprême. Il s’agit donc de ce cheminement spirituel menant du hâ al-hawiya, vers le lâm al-qabd, puis vers le lâm al-ma’rifa, puis vers al-‘amâ et enfin vers le Alif at-Tawhîd.
Il s’agit d’une Siyâha à la fois exotérique et ésotérique, physique et spirituelle, au travers de laquelle le disciple chemine dans les mondes de sa nafs, nageant dans les réalités profondes de l’univers de son Shaykh. Il en devient ainsi à l’image de la Terre qui d’une part tourne sur elle-même, et d’autre part vogue dans son orbite autour du Soleil, qui n’est autre que son origine, le Secret de ce qu’elle renferme en son cœur… le centre de la Terre n’étant autre qu’un soleil miniature.
Et le Soleil, dans son état d’immobilité, vogue vers un emplacement qui lui est propre. Quant à la Terre, son mouvement est l’expression de sa quête de cet état d’immobilité (soukoûn, représenté par un cercle). Le Soleil s’est établi sur le Trône de l’Amour par la dimension absolue de sa consomption dans l’Aimé prééternel, quant à la Terre elle demande la consomption dans l’Amour du centre de sa rotation. Plus elle s’approche de ce dernier, plus elle réalise son état d’annihilation, et plus son heure se fait proche.
L’état d’inaction (soukoûn) est le propre du Shaykh, et en vertu de l’anéantissement de toute son aspiration en Celui qu’il demande, il ne persiste de lui nul autre que Lui… et comme il fut dit : n’eût été l’intermédiaire, l’intermédié s’en serait allé. Quant au mouvement, il relève du disciple en recherche de l’anéantissement (fana) dans l’intermédiaire.
Ainsi, l’inaction (soukoûn) correspond au degré spirituel du Shaykh, tandis que le mouvement (haraka) relève de l’expression de l’aspirant. Celui donc qui atteint ce degré d’inaction vis-à-vis du Vrai, celui-là a certes atteint Sa Connaissance. Quant à celui qui demeure en mouvement, par son mouvement il n’a fait que Le réduire à un endroit dont il serait en mesure de faire le tour.
[1] Al-Mustadrak ‘ala s-Sahîhayn, Hadîth n°2333.
[2] Sahîh al-Boukhâriy, Kitâb at-Tawhîd, Hadîth n°7021
Source : Les fondements de la Tariqa Karkariya, Shaykh Mohamed Faouzi Al Karkari, éditions Les 7 Lectures.